J.O. Numéro 156 du 7 Juillet 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 10830

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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 7 juin 2001 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2001-446 DC


NOR : CSCL0148388X



LOI RELATIVE A L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
ET A LA CONTRACEPTION

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Cette loi doit être déclarée inconstitutionnelle pour les motifs ci-après développés.


1. Conclusions dirigées contre les dispositions de l'article 2 de la loi déférée (art. L. 2212-1 du code de la santé publique modifié)
Les dispositions incriminées se proposent de porter de dix à « douze semaines », comptées depuis le début de la grossesse, ce qui revient à quatorze semaines d'aménorrhée, le délai légal permettant de pratiquer une interruption volontaire de grossesse en situation de détresse de la mère.
Il est nécessaire de rappeler que si le délai de dix semaines avait été retenu par le législateur de 1975, c'est en prenant en considération la préoccupation d'un temps raisonnable pour permettre à la femme de prendre sa décision d'interrompre sa grossesse, tout en étant compatible, d'une part, avec la nécessaire protection de l'enfant à naître, dont l'article 1er de la loi du 17 janvier 1975, repris à l'article 16 du code civil, « garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie », et, d'autre part, avec la sauvegarde de la santé de la mère, compte tenu des risques médicaux accrus que fait courir l'interruption de grossesse au-delà de la dixième semaine (cf. Sénat, séance du 14 décembre 1974, p. 2939).
L'état actuel de la science, que la sagesse du législateur de 1975 est d'ailleurs depuis venue conforter sur ce point, permet pleinement de regarder le délai de dix semaines comme correspondant au stade de l'embryon, alors que le seuil de la douzième semaine conduit à le faire regarder, au terme de l'évolution biologique qui va du stade des gamètes fécondés à celui de l'enfant à naître, comme étant graduellement devenu un foetus.
L'atteinte en elle-même à l'intégrité de l'embryon et au droit à son propre développement doit demeurer rigoureusement exceptionnelle et dérogatoire puisque, si l'article L. 2212-1 du code de la santé publique conditionne l'interruption volontaire de grossesse à la constatation de la situation de détresse de la mère, ou si l'article L. 2141-8 du même code interdit toute expérimentation sur l'embryon, c'est en conséquence même du principe du respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.
Le foetus jouit d'une protection juridique renforcée a contrario, autour duquel un consensus bioéthique s'est dégagé pour admettre qu'il est une personne humaine en puissance ou en devenir qui bénéficie, notamment, de l'accès aux soins grâce aux progrès de la médecine foetale. Il est ainsi traité comme un patient.
Pour reprendre le constat du rapport du Conseil d'Etat « Les Lois de bioéthique : cinq ans après », il appert que la loi du 17 janvier 1975 « a implicitement admis que le foetus devait se voir garantir une protection croissante en fonction de ses différents stades d'évolution » (p. 18).
Il y a de même consensus médical pour reconnaître qu'à douze semaines la nature et la technique de l'acte d'interruption de grossesse changent par rapport à celles de l'acte opéré avant la dixième semaine (aspiration utérine sous anesthésie locale, avant dix semaines, expulsion provoquée avec curetage sous anesthésie générale au-delà).
Ainsi, le professeur Nisand fait l'aveu suivant dans son rapport à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, « L'IVG en France » (1999) : « le corps médical qui réalise les IVG est hostile dans sa majorité à une modification du délai pour des raisons principalement éthiques mais aussi techniques ».
Or, en portant le délai légal de dix à douze semaines, en méconnaissance de l'ensemble des données ci-dessus rappelées, les dispositions incriminées portent atteinte au principe de respect de tout être humain dès le commencement de la vie, au principe de sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation, au principe de protection de la santé de la mère et au principe de précaution, ainsi qu'il sera démontré ci-après :
1.1. Par sa décision no 74-54 DC du 15 janvier 1975 (recueil p. 19), le Conseil constitutionnel n'a admis la conformité à la Constitution que des dispositions « en l'état » qui étaient soumises à son examen, et aujourd'hui codifiées à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique. Il appert que le Conseil constitutionnel a estimé que la fixation à dix semaines du délai légal de l'interruption volontaire de grossesse était au nombre des « limitations » et « dérogations » raisonnables que le législateur pouvait apporter au principe à valeur constitutionnelle du respect de tout être humain dès le commencement de la vie (cf. 7e considérant, p. 20 du recueil).
En précisant par son incise, à l'avant-dernier considérant de sa décision précitée, qu'il statuait sur les dispositions déférées « en l'état », le Conseil constitutionnel a nettement marqué qu'en limitant la durée légale à dix semaines, le législateur avait ainsi satisfait à l'équilibre et à la combinaison entre les droits de la mère, en raison de sa situation de détresse et compte tenu des risques médicaux que pouvait lui faire courir une interruption pratiquée au-delà, et les droits de l'enfant à naître, encore au stade embryonnaire et dont l'interruption de développement ne mettait pas en cause la santé de sa mère.
Par là même, le législateur de 1975 avait sauvegardé le principe à valeur constitutionnelle du respect de tout être humain dès le commencement de la vie.
Il n'en est plus précisément de même en portant ce délai légal d'interruption de grossesse de dix à « douze semaines ». Cette augmentation du délai d'interruption de la grossesse déséquilibre en effet la balance entre les droits de la mère, dont la santé peut être mise en danger à l'occasion d'une interruption pratiquée entre la dixième et la douzième semaine, et les droits de l'enfant à naître, qui a accédé au stade foetal de son développement et dont l'interruption de celui-ci change la nature de l'opération pratiquée et porte atteinte à son droit propre à continuer de se développer comme personne humaine en devenir.
En augmentant le seuil maximum du délai légal, le législateur a excédé ce qu'il est permis d'apporter comme dérogation et limitation raisonnables au respect de tout être humain dès le commencement de la vie.
Le législateur a ainsi remis en cause les garanties jugées conformes à ce principe constitutionnel qui étaient auparavant en vigueur (cf. jurisprudence dite de l'« effet cliquet », décision no 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, au recueil p. 78).
1.2. Par la décision no 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 (recueil, p. 100), le Conseil constitutionnel a reconnu au principe de la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation la valeur d'un objectif à valeur constitutionnelle.
Il appert que, pour reprendre le constat du rapport du Conseil d'Etat « Les Lois de bioéthique : cinq ans après » précité, la loi du 17 janvier 1975 « a affirmé le principe de l'assimilation du foetus à un être humain » (p. 18).
D'une part, les dispositions incriminées de l'article 2 de la loi déférée portent atteinte à cet objectif constitutionnel en autorisant l'interruption du développement d'un être humain ayant accédé, vraisemblablement au cours de la onzième semaine, en tout état de cause certainement à la douzième semaine, au stade du foetus et alors que son développement d'enfant à naître sera croissant et irréversible jusqu'à l'accouchement de la mère.
Il n'est nullement remis en cause par l'apport de la science moderne le fait biologique que les anciennes dispositions de la loi de 1975 ne traitaient encore, en limitant à dix semaines le délai légal, que d'un embryon. L'état actuel de la science conforte le même fait biologique selon lequel les nouvelles dispositions de la loi traitent d'un foetus, au-delà de la dixième semaine. C'est d'ailleurs l'application du respect de ce principe de la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation qui a conduit le législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, à prohiber toute forme de réification de l'embryon humain (art. L. 2141-7 du code de la santé publique) comme de toute forme d'atteinte à son intégrité (art. L. 2141-8 du même code).
A fortiori, la sauvegarde de la dignité humaine s'étend au foetus humain. Celle-ci est commandée à la fois en raison de ses origines, étant le produit d'un homme et d'une femme, et parce que le processus naturel de son développement vital est de donner naissance à un homme ou une femme.
C'est la prise en compte du caractère particulier du foetus qui interdisait toute interruption de son développement, en d'autres termes toute dégradation définitive, au-delà de la dixième semaine.
C'est la prise en compte du droit au respect de cette dignité qui justifie qu'il ne puisse être porté atteinte à son développement qu'aux « conditions » particulièrement strictes et exceptionnelles de l'article L. 2213-1, et notamment en raison de l'affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable du foetus lui-même. En portant atteinte à l'intégrité du foetus, en dehors de toute considération telles qu'énoncées à l'article L. 2213-1, c'est-à-dire alors même que le foetus n'est pas atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable et ne peut que se développer jusqu'à l'accouchement, le législateur a porté atteinte au principe de la sauvegarde de la dignité humaine.
D'une part, les dispositions incriminées de l'article 2 de la loi déférée portent atteinte à ce même risque constitutionnel, en ce qu'elles font courir « un risque d'eugénisme accru, dès lors que la croissance du foetus après la dixième semaine de grossesse peut permettre de déceler chez lui un plus grand nombre d'anomalies ou de caractéristiques qui le rendraient indésirable aux yeux de la femme enceinte » (rapport public 2001 précité du Conseil d'Etat, p. 119).
Il appert, en effet, que les progrès de la médecine, en particulier du diagnostic par l'échographie, permettent de discerner le sexe de l'enfant à naître avec une très grande fiabilité à partir de la dixième semaine.
C'est l'application du respect du principe de la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation qui a conduit le législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, à juger conforme à la Constitution la prohibition de toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes (art. 16-4 du code civil).
Or il est clair que l'allongement de dix à douze semaines de la durée légale d'interruption volontaire de grossesse entraîne un risque certain de pratique eugénique tendant à la sélection des enfants à naître, ainsi que le rapport pour 2001 du Conseil d'Etat en fait lui-même l'aveu et comme des spécialistes l'ont admis (cf. Pr Frydman, IVG : l'inquiétante recherche d'un enfant parfait).
En autorisant de mettre un terme au développement vital d'un foetus viable, comme en favorisant le risque de pratiques eugéniques illicites, le législateur a méconnu le principe constitutionnel de la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation.
1.3. Par sa décision no 94-343/344 DC précitée, le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe de protection de la santé de la mère, issu du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, a valeur constitutionnelle.
En portant à douze semaines le délai légal de l'interruption de grossesse, le législateur accroît la mise en danger de la mère et la responsabilité pour faute dans l'exercice de leur art des médecins pratiquant l'interruption volontaire de grossesse. Comme il a été démontré plus haut, le changement de la nature et de la technique de l'acte d'interruption du développement du foetus n'est pas, selon l'avis médical le plus largement admis, sans comporter des risques médicaux accrus pour la mère. Il convient de rappeler que les dispositions antérieures du 1o de l'article L. 2212-3 admettaient déjà pour l'interruption pratiquée avant la dixième semaine l'existence de tels risques, qui sont multipliés par deux au-delà (entre la dixième et la douzième semaine, le taux de complications passe de 3,4 % à 6 % et le risque de décès par interruption volontaire de grossesse passe de 0,15/100 000 à 0,37/100 000).
Comme en fait l'aveu le rapport du professeur Nisand précité, « la notion du risque médical augmente avec l'âge gestationnel mais aussi avec la complexification de l'opération ».
1.4. En portant de dix à douze semaines le délai légal de l'interruption volontaire de grossesse, le législateur méconnaît les précautions qui s'imposent à lui en matière de bioéthique et de santé publique et commet une erreur manifeste dans son appréciation de celles-ci.
Le principe de précaution, ainsi que l'admettent certains auteurs de doctrine, a valeur d'un objectif à valeur constitutionnelle qui se dégage de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Dans son rapport public pour 2001, précité, le Conseil d'Etat admet que l'allongement du délai légal conduit « nécessairement à se demander à partir de quel degré de développement du foetus il ne peut plus être porté atteinte à son droit propre à la vie, quelle que soit la situation de détresse de la femme qui le porte (...). Une certaine distorsion semble exister entre les précautions à prendre selon qu'il s'agit du développement et du devenir de l'embryon ou de la protection du foetus au fur et à mesure de son développement vital » (p. 119).
Il appert que tant l'absence de consensus médical sur l'allongement à douze semaines du délai légal d'interruption de grossesse que l'absence de certitude scientifique sur l'assimilation à une personne humaine à part entière d'un foetus âgé de quatorze semaines d'aménorrhée, viable et exempt d'anomalies ou d'affections incurables ou irréversibles, auraient dû conduire le législateur, compte tenu des connaissances de la science du moment, à ne pas allonger le délai légal de l'interruption volontaire de grossesse, pour prévenir des dommages graves et irréversibles portés aux principes du respect de tout être humain dès le commencement de la vie et de protection de la santé de la mère.
Pour ces différents motifs, les textes incriminés de la loi contestée doivent être déclarés contraires à la Constitution.


2. Conclusions dirigées contre les dispositions de l'article 4 (art. L. 2212-3 du code de la santé publique remplacé) et de l'article 5 (art. L. 2212-4 du même code modifié)
Les dispositions incriminées se proposent de remettre en cause le niveau de garanties législatives qui étaient auparavant en vigueur pour assurer la sauvegarde de la liberté individuelle de la mère, par son consentement pleinement éclairé sur les avantages et les inconvénients de la décision qu'elle a à prendre d'interrompre ou non le cours de sa grossesse et le développement in utero de son enfant.
Il appert que les dispositions du 1o et du 2o (notamment le b) de l'ancien article L. 2212-3, ainsi que du premier et du second alinéa de l'ancien article L. 2212-4 du code de la santé publique, étaient destinées à assurer pleinement le respect de la liberté des personnes appelées à recourir à une interruption de grossesse et figuraient au nombre des « conditions » dont le Conseil constitutionnel a veillé à ce que, « en l'état », elles satisfassent au principe à valeur constitutionnelle de liberté individuelle.
Selon la doctrine, il appert d'ailleurs que le Conseil constitutionnel dans sa décision no 74-54 DC précitée, a consacré la « liberté de ne pas avorter » (cf. L. Favoreu et L. Philip, Les Grandes Décisions du Conseil constitutionnel, no 23).
Or, s'il est loisible au législateur d'organiser l'existence de la liberté individuelle d'une femme enceinte, par des modalités de nature à assurer l'effectivité d'une décision librement et mûrement réfléchie, il appert de manière manifeste que l'abrogation de ces garanties législatives susrappelées a eu pour objet et a pour effet de remettre en cause le niveau des garanties législatives prévues pour répondre aux exigences du principe constitutionnel susrappelé (cf. jurisprudence dite de l'« effet cliquet », v. décision no 84-185 DC du 18 janvier 1985, recueil p. 36).
En altérant substantiellement les conditions prévues par les anciennes dispositions législatives qui étaient de nature à garantir à la femme enceinte un consentement libre et éclairé, inhérent à l'exercice de sa liberté de ne pas avorter, la loi méconnaît gravement le principe à valeur constitutionnelle de liberté individuelle.
Pour ces motifs, les textes incriminés de la loi contestée doivent être déclarés contraires à la Constitution.

3. Conclusions dirigées contre les dispositions
du 2o de l'article 8 (art. L. 2212-8 modifié)

Les dispositions incriminées ont eu pour objet et ont pour effet d'abroger la « clause de conscience » du chef de service d'un établissement public de santé dans le service ou dans le département duquel, par voie d'autorité hiérarchique de son conseil d'administration, se pratiqueront les interruptions volontaires de grossesse.
Cette abrogation pure et simple des deux derniers alinéas de l'ancien article L. 2212-8 est une violation caractérisée du principe de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (6e considérant de la décision no 74-54 DC précitée, p. 20 du recueil), du principe de liberté de conscience, principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision no 77-87 DC du 23 novembre 1977, au recueil p. 42), et du principe fondamental, reconnu par les lois de la République, de l'indépendance des professeurs d'université (décision no 83-165 DC du 29 janvier 1984, au recueil p. 30).
En effet, aux termes des articles L. 6146-1 à L. 6146-5 du code de la santé publique, les services ou départements organisés au sein de l'établissement public « sont placés sous la responsabilité » d'un chef de service qui « assure la conduite générale du service ou du département et organise son fonctionnement technique ». En bref, le chef de service assume pleinement, c'est-à-dire moralement, professionnellement et hiérarchiquement, les activités qui se pratiquent au sein de son service ou département. Au surplus, rien n'interdit à un chef de service de cumuler ses fonctions hospitalières avec celles de professeur des universités-praticien hospitalier (cf. art. L. 6151-1 du code de l'éducation).
Il appert que les anciennes dispositions abrogées respectaient pleinement la liberté de conscience du personnel hospitalier des établissements publics de santé, où sont pratiquées 52 % des interruptions de grossesse, dans la mesure où il appartenait au conseil d'administration de requérir l'accord préalable du chef de service ou de créer au besoin, si le chef de service concerné « refuse », une unité particulière au sein desdits établissements, dotée de personnels consentants et sous l'autorité d'un chef d'unité consentant.
Il ressort nettement de la décision no 74-54 DC précitée que les dispositions de la loi du 17 janvier 1975 codifiées à l'article L. 2212-8 du code de la santé publique respectaient « en l'état » la liberté des personnes appelées à participer à une interruption de grossesse et que, « dès lors », elles ne portaient pas atteinte au principe de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
En abrogeant le droit du chef de service, inhérent à ce principe, de donner ou de refuser son accord, en conscience, à ce que soient pratiquées au sein de son service les interruptions de grossesse, alors qu'elles seront effectuées sous sa responsabilité et sous ses directives, la loi méconnaît gravement les principes de liberté susénoncés.
Pour ces motifs, les textes incriminés de la loi contestée doivent être déclarés contraires à la Constitution.

4. Conclusions dirigées contre les dispositions
du V de l'article 19 (art. L. 2442-1 nouveau)

L'assemblée de la Polynésie française a été saisie le 13 septembre 2000, en application des dispositions de l'article 74 de la Constitution et de la loi organique no 96-312 du 12 avril 1996, d'un projet d'« article 14 » tendant à l'adaptation des dispositions pénales applicables à la Polynésie française, qui diffère substantiellement sur le fond de celui soumis au Parlement, de sorte que la procédure parlementaire est manifestement entachée d'irrégularité sur ce point.
Les dispositions incriminées se proposent d'étendre à la Polynésie française des dispositions du chapitre II du titre Ier du livre II de la seconde partie du code de la santé publique, alors qu'il est constant qu'aux termes des dispositions combinées des articles 5 et 6 de la loi organique no 96-312 précitée, les autorités de la Polynésie française sont seules compétentes en matière de santé publique.
Il résulte de ce qui précède que le législateur a excédé ses compétences et méconnu les dispositions de l'article 74 de la Constitution et de la loi organique no 96-312 du 12 avril 1996.
Pour ces motifs, les textes incriminés de la loi contestée doivent être déclarés contraires à la Constitution.
Pour l'ensemble des motifs ci-dessus énoncés et par tous les autres moyens et conclusions que le Conseil constitutionnel soulèvera d'office, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution, en vertu du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les dispositions incriminées de la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
(Liste des signataires : voir la décision no 2001-446 DC.)